La construction d'Expo 67



En 1958, en revenant de l’Exposition universelle de Bruxelles, le sénateur canadien Mark Drouin eut l’idée que le Canada devrait tenir une exposition universelle afin de célébrer le centenaire de la Confédération.Alors qu’à Toronto, le sujet fut discuté et rapidement écarté, le maire de Montréal,Sarto Fournier, aima cette idée et en fit la promotion. Le gouvernement canadien se porta candidat au Bureau International des Expositions à Paris pour obtenir le droit de tenir le type le plus prestigieux d’exposition, soit une exposition de première catégorie où les différents pays construisent eux-mêmes leurs pavillons.

Cependant,cette année-là,l’Union Soviétique,qui célébrait son 50ième anniversaire, porta aussi sa candidature. Puisque deux expositions ne peuvent être tenues la même année, le Canada dut mousser sa candidature. Malheureusement,les Soviétiques l’emportèrent par un vote de 16 à 14. Toutefois,deux ans plus tard, inquiets devant les coûts exhorbitants,les représentants de Moscou changèrent d’idée.

A ce moment-là,Jean Drapeau, maintenant maire de Montréal, était résolu à obtenir l’exposition pour sa ville. Il alla en Europe afin de jauger les chances d’une nouvelle demande de la part du Canada et à son retour, il convinqua le premier ministre John Diefenbaker de soumettre à nouveau une candidature. C’est ce que fit Ottawa et le 13 novembre 1962, obtint les droits pour tenir la toute première exposition de première catégorie de l’hémisphère ouest.

Le gouvernement proposa deux sites pour l’Exposition.Le premier était un grand espace libre dans le Parc Mont Royal qui surplombe la ville.Le second,proposé par le maire Jean Drapeau,consistait à utiliser plusieurs sites séparés :à Pointe Sainte-Charles,à Ville Lasalle et dans le Parc Maisonneuve dans l’est de Montréal.

Toutefois,la firme d’architectes Bédard, Charbonneau et Langlois présenta un plan très original. Ils proposèrent d’incorporer le thème de l’eau en érigeant l’Exposition le long des berges montréalaises du Saint Laurent, en agrandissant une île existante et en en construisant une autre. C’était une proposition audacieuse mais cela procurerait à l’Exposition un site remarquable.Ils présentèrent ce plan au public le 26 janvier 1963.

Après mûre réflexion,le maire Drapeau en vint à la conclusion que le plan des architectes était supérieur et l’endossa.Mais au lieu d’en donner le crédit aux architectes,le 15 mars,il convoqua une conférence de presse télévisée et annonça au public que ce plan était celui de son Commissaire, M. Guy Beaudet.Cela choqua les architectes.C’était évidemment une lutte de pouvoir pour obtenir le crédit de doter Montréal d’un nouveau pont vers l’île.Ce ne fut que le 28 mars 1963 que les architectes protestèrent que l’idée du site d’Expo 67 était en fait la leur.Mais on les avait déjà tassés de la planification et des méandres des contrats de construction.

Il y eut plusieurs opposants à ce site,allant des observateurs d'oiseaux qui craignaient que la nouvelle île ne fasse partir les goélands zébrés qui faisaient leurs nids dans les laisses de vase,jusqu'au maire de Saint-Lambert,une banlieue sur la rive sud du fleuve,qui ne voulait pas d'un Coney Island dans sa cour. Finalement,les arguments de Jean Drapeau l'emportèrent.

Avant le début de la construction,l'Île Sainte-Hélène n'avait que la moitié de sa dimmension finale et l'Île Notre-Dame n'était que des laisses de vase.


Le 13 août 1963, le premier ministre Pearson inaugura le début des travaux de construction de l'Expo en déchargeant 25 verges cubes de terre sur l'Île Sainte-Hélène. Presque un mois plus tard,le gouvernement annonça que Pierre Dupuy, un diplomate de 67 ans et embassadeur du Canada en France, avait accepté le poste de Commissaire Général de l'Expo.

Heureusement, Dupuy possédait une longue expérience des expositions universelles, ayant déjà travaillé au Bureau International des Expositions à Paris et apporté sa contribution à l'organisation de l'Exposition de Paris de 1937. Dès le début, il consacra beaucoup d'énergie à la tâche en utilisant ses talents de diplomate afin d'attirer les pays étrangers à l'Expo. Le choix d'un thème pour l'exposition était aussi d'une importance majeure. Les penseurs de l'exposition commencèrent avec la conviction du Bureau International qu'essentiellement, il ne devrait pas être commercial et qu'il devrait refléter l'époque. Le thème fut évoqué en 1962 lors d'une réunion de haut niveau au gouvernement à Montréal où Pierre Sévigny, ministre associé de la défense, suggéra "Terre des Hommes",titre d'un livre d'Antoine de Saint-Exupéry,dont les écrits explorent la place de l'homme dans l'univers. L'année suivante,des scientifiques, des éducateurs, des intellectuels et des artistes se réunirent lors d'une conférence à Montebello,Québec, afin de définir et développer le thème. Ils s'entendirent sur une série d'idées thématiques qui pourraient à la fois être éducatives et artistiques si bien développées - L'Homme Explorateur, l'Homme Créateur, l'Homme à l'Oeuvre et l'Homme dans la Communauté. Chacune deviendrait un pavillon thématique ou un ensemble de pavillons. L'Homme Créateur, par exemple, devint une gallerie d'art, une exposition de photos du monde, une exhibition de design, un jardin de sculptures et un festival mondial des arts de la scène.

Début octobre 1963, le Colonel Edward Churchill prit le tête du Département des Installations. Du genre qui n'entendait pas à rire, il avait aidé le Général Sir Bernard Montgomery à construire des terrains d'aviation pendant la seconde guerre mondiale. Aussitôt, il mit en place la méthode du "chemin critique" afin d'avoir le contrôle de la construction.A l'aide d'ordinateurs, il pouvait déterminer jusqu'à quel point chaque aspect de la construction était en avance ou en retard. Et en tant que maître d'oeuvre, il usa de stratégies brutales pour menacer les entrepreneurs qui ne respectaient pas les échéances de construction.

Churchill épousa avec enthousiasme le concept thématique proposé à la Conférence de Montebello. Mais il n'y avait pas de plans sur papier lorsqu'il en prit charge et son personnel était plutôt réduit.Contre vents et marées, le plan de base fut complété, les estimations de coûts préparés et un plan directeur fut soumis à temps au gouvernement canadien le 23 décembre 1963. Ils n'avaient pris que trois mois mais ils ne pouvaient commencer que le 30 juin 1964,date convenue où la Ville de Montréal leur céderait le site.

Les deux îles du fleuve Saint-Laurent furent agrandies avec 6,825,000 tonnes de roches et de terre draguées du lit du fleuve ainsi que celles des tunnels en construction du métro de Montréal.


Lors de la première phase,les camions devaient utiliser le pont Jacques-Cartier pour aller et venir du site des îles. Les rampes d'accès du pont à l'Ile Sainte-Hélène n'avaient originalement qu'une capacité de 15 tonnes et une hauteur libre de seulement 12 pieds.En deça de quatre mois,à partir du 15 octobre 1963, on modifia les rampes pour permettre le passage de camions de 40 tonnes et une hauteur libre de 14 pieds.A peine neuf jours après la fin des travaux,il y eut un flot continuel de camions sur le pont et les rampes d'accès pour augmenter la production des dragueurs.

En dix mois,on transporta 15 millions de tonnes de terre et de roches sur le site. Les deux plus puissants dragueurs au monde excavèrent 6,825,000 tonnes du lit du fleuve et le reste, transporté par camions des excavations du métro de Montréal.

Plus tard,pour transporter le matériel des pavillons de l'Expo - on conceva et construisit le Pont de la Concorde reliant l'Île Sainte-Hélène à la Cité du Havre, spécialement pour l'Expo et cela en 18 mois, ce qui est remarquable. Il a 2,265 pieds de long et 94 pieds de large et est un des plus longs ponts orthotropiques (la structure et la superstructure ne font qu'un) au monde. D'une structure légère (10,000 tonnes) il a coûté $10,500,000. Ce pont et un autre,le Pont des Iles,reliaient l'Ile Sainte-Hélène à l'Ile Notre-Dame vers la mi-1965.La rapidité et la compétence avec lesquelles ces deux ponts ont été construits fut un élément déterminant dans l'ouverture de l'Expo à temps.

L'horaire avait été conçu pour que les canaux soient excavés, les infrastructures souterraines de service installées et les fondations des chemins terminées avant le début des travaux de surface en 1965.Ils réussirent à rencontrer les échéances même lorsque les participants changeaient leurs plans. Les fondations des édifices furent construites à l'été 1965 et les immeubles complétés l'été suivant. Cela donna aux participants le temps d'installer leurs exhibits pendant l'hiver 1966-1967, à temps pour l'ouverture d'Expo 67 le 21 avril.

Cette photo aérienne montre qu'environ les deux tiers des pavillons de l'Expo sont en construction.


En tout,le département de Churchill avait la responsabilité,directement ou sous sa supervision,du désign et de l'érection de 847 édifices, 27 ponts, 51 milles de routes ou de chemins piétonniers, 23 milles d'égoûts et de tuyaux d'écoulement, 100.7 milles de canalisations pour l'eau,le gaz,l'électricité et l'éclairage, 52.5 milles de conduits de communication, 55,000 milles de fils et cables de communication, d'espaces de stationnement pour 24,484 véhicules, 14,950 arbres, 197 acres de gazon,898,000 arbustes,plantes et bulbes, 256 piscines, fontaines et sculptures,des bancs pouvant asseoir 6,200 personnes, 4,330 bacs à déchets et 6,150 fixtures d'éclairage extérieur.

En bref, le désign de construction de l'Expo était tel que sa beauté attira plusieurs visiteurs qui n'y allèrent que pour marcher et regarder, sans entrer dans les pavillons. Et le plan fut assez souple pour qu'une exposition conçue pour acceuillir trente millions de visiteurs put facilement en acceuillir cinquante millions.

Grues en train de construire le pavillon de l'URSS.

Man the Producer is under construction in the foreground.


La Ronde under construction in early spring with snow on the ground.
Photo by Bill Dutfield.


United States geodesic dome under construction.,br> Photo by Bill Dutfield.


The Habitat housing under construction.
Photo by Bill Dutfield.


USSR pavilion nearly completed.
Photo by Bill Dutfield.






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